La Menthe aquatique : le parfum de l’amour.

Mentha aquatica L.

 

 

 

Même les yeux fermés, vous arriverez à l’identifier facilement. Bien qu’il existe plus de 200 variétés de Menthe, toutes dégagent du menthol, substance biochimique qui a la capacité de stimuler les récepteurs sensibles au froid chez l’homme. D’autres composés terpéniques lui procurent une note de parfum florale et fraîche : de lavande et de bergamote (linalol), de cumin et d’aneth (carvone), de belle-de-nuit (ocimène). Au départ, parfum pour femme avec Guerlain qui créa l’«Eau de Cologne Impériale» pour l’Impératrice Eugénie, les fragrances de Menthe deviennent dans les années 1970, celles d’un parfum des sports chics masculins avec «Polo» de Ralph Lauren, aux notes vertes et mentholées.

Cette dualité dans les usages du genre existait déjà dans l’antiquité : les Romains en mettent dans leur vin pour l'aromatiser et l'incorporent à la plupart de leurs sauces; leurs femmes mâchent une pâte faite de Baume d'eau et de miel pour avoir l'haleine fraîche et aussi masquer l'odeur du vin qu'elles boivent en cachette. Rappelons qu’à cette époque, la loi punissait de mort celles qui usaient d'un breuvage réservé aux hommes et aux dieux. De nos jours, on pourrait traduire cela en une recommandation d’usage de posologie : à forte dose le menthofurane, un composé hautement toxique, peut provoquer la mort par action sur le bulbe rachidien… !

Les Grecs du temps de Périclès en font un parfum; les Hébreux également, d'où les reproches que Jésus adresse aux scribes et pharisiens qui dépensaient sans compter pour s'en procurer et négligeaient la justice et la miséricorde.
Mais finalement, les turpitudes de la nature humaine se résument dans l’étymologie grecque de la Menthe :
Le dieu grec des Enfers, Hadès, s'était épris d'une nymphe nommée Minthée. Dans un accès de jalousie, Perséphone, son épouse, déchiqueta sa rivale. Attendri par la passion de Minthée, Hadès la métamorphosa en une plante qui porte son nom, la Menthe. Il la dota aussi d'un parfum capable d'attiser les feux de l'amour. Comme quoi, les propriétés stimulantes, toniques et aphrodisiaques de la Menthe sont connues depuis longtemps, au point qu’il était interdit aux soldats grecs de manger de la Menthe Rouge, car, disaient-ils, elle incite tant à l'amour qu'elle en diminue le courage. Encore de nos jours, on dit, en Indre-et-Loire, que la menthe a le pouvoir d'exciter au point de rendre fou le taureau qui en mange … rien que cela !
Mais, la légende grecque a une suite : Déméter, la mère de Perséphone, condamna la Menthe à ne plus porter de semences. Là aussi, Hippocrate et Aristote, connaissaient les propriétés analgésiques et anesthésiques de la plante considérée comme « contraire à la génération »  mais réjouissant l'âme et bonne pour l'esprit des étudiants. Ainsi, avoir une tige de Riolet cueillie la nuit sous son oreiller favoriserait les rêves prémonitoires.

Maintenant, ouvrez les yeux et regarder la réalité : vous êtes dans un marais ou en bordure d’un cours d’eau, les pieds mouillés écrasant des tiges anguleuses de Menthe aquatique (Mentha aquatica L.). Elles sont dressées de 30 à 100 cm, velues avec des poils glandulaires qui produisent tous ces composés aromatiques qui vous ont signalé sa présence. Les fleurs de Bonhomme de rivière sont regroupées en glomérule terminal sphérique. Bien que faisant partie de la famille des Lamiacées, caractérisée par la symétrie en forme de « lèvres » des fleurs, ses petites fleurs sont principalement tubuleuses, roses ou blanches. Visitées de juillet à octobre par des abeilles pour son nectar, elles sont aussi la source de molécules d’ocimène servant de phéromones inhibant la formation d'ovaires chez les abeilles ouvrières.
Et n’en déplaise à Déméter, il y a bien une production de graines restant au fond du calice persistant, même si c’est principalement grâce à des rhizomes que cette vivace résiste aux gels hivernaux dans les sols vaseux et tourbeux.

Indigène sur les continents africain et européen, sa culture et sa naturalisation aisée, font qu’on retrouve la Menthe aquatique aussi bien en Asie et Nouvelle-Zélande, qu’en Amériques du nord et centrale. Sa culture (et surtout d’autres espèces du genre Mentha sp.) est principalement destinée à extraire le menthol, mais d’autres usages en biotechnologie phyto-épuratrice sont développés : un site pilote semi-industriel a été installé à Saint-Laurent-le-Minier (Cévennes) pour filtrer 10 m3 par heure d’un effluent contaminé au zinc et au fer à cause du passé minier de la région.  Par ailleurs, c’est une bonne fixatrice de berges grâce à ses stolons, donc apte aux techniques de génie végétal de restauration des cours d’eau.

Enfin, restez planté dans votre marais sans crainte, car avec son essence naturelle la Menthe à grenouille a des propriétés antiseptiques qui permettraient de tuer près de 90% des larves de moustiques fraîchement pondues, les bactéries et les algues toxiques. Finis les marais insalubres !