Le Chêne pédonculé … le roi est mort !

Quercus robur L.

 

 

 

 

 

Quercus robur

Est-il nécessaire de décrire le Chêne pédonculé ? Remarquable par la noblesse de sa frondaison avec ses deux couronnes superposées chez les arbres âgés, il n’est pas surprenant qu'on le surnomme le roi des forêts. Très présent dans les paysages bocagers de l'Ouest de la France, il est certainement le roi des celtes, puisque étymologiquement le nom de genre provient de quer, beau, et cuez, arbre. Sa dynastie est bien enracinée grâce à un système racinaire profond et vigoureux et une maturité atteinte vers 150 ans, pour régner jusqu'à plus de 2000 ans. Bon nombre de nos chefs d'états peuvent lui envier sa longévité!

D'une humeur tempérée, notre monarque forme de vastes forêts en Europe, mais il reste peu présent en haute montagne. Il supporte mal l'aridité et les canicules du climat méditerranéen. Est-ce lié à son grand âge ? Il faut dire que ses feuilles groupées à l'extrémité des rameaux, ne présentent pas de couche cireuse suffisante pour lutter contre la déshydratation comme le font ses cousins le Chêne liège et le Chêne vert.

Beau de par sa stature et son feuillage, ce dirigeant est insignifiant avec sa floraison constituée de petits chatons mâles qui disséminent des nuées de pollen jaune au grand désespoir des personnes allergiques. Les fleurs femelles sont toutes aussi insignifiantes, situées à l'aisselle d'une écaille, elles ne se révèlent qu'à la formation du fruit, le gland, entouré de sa cupule prolongée d'un long pédoncule. Doit-on y trouver une explication à la symbolisation de la fertilité chez de nombreux peuples indo-européens ? Quoi qu'il en soit, la cupule et son pédoncule idéalisent la fameuse pipe avec laquelle les enfants jouent pour ressembler à leur papi ! Quant au reste du fruit, il constitue une seule graine riche en amidon et tanin qui lui confère des propriétés antiseptiques, astringentes, fébrifuges et toniques. Les grands-mères allemandes rationnées durant la première guerre mondiale devaient bénéficier bien malgré elles de ces bienfaits quand elles s'en servaient comme un ersatz du café

Comme tout bon monarque, le Chêne pédonculé se doit de prémunir le peuple des famines. Un dicton dit que s'il y a beaucoup de glands au pied de l'arbre à l'automne, l'hiver sera long et rigoureux, et que c'est un signe de bonne récolte. Mais qu'importe ces balivernes, les glands serviront à nourrir les cochons, et même si les hommes s'en nourrissaient avant l'avènement de la culture du blé, ils s'en nourrissent encore puisqu'il existe des recettes de terrine aux glands !

Ce roi est aussi un grand guerrier. Les jeunes rameaux souples tressés en couronne félicitent le vainqueur, et son bois formant un assemblage servait à placer les « dépouilles opimes », c'est à dire les armes prises au chef de l'armée ennemie. Mais derrière cette cruauté, le tronc du vieil arbre est souvent creux et constitue une merveilleuse cachette pour les enfants, des fuyards, comme un prêtre réfractaire ici, ou un "bleu" blessé au temps de la chouannerie vendéenne. Seul le gui arrive parfois à percer la dureté de son écorce profondément gerçurée et c'est ainsi que certains druides bretons ont pu entrer dans la légende avec leur serpe d'or !

Ce seigneur est juste, tout comme Saint-Louis qui rendait la justice sous son ombrage. Même Zeus chez les Grecs, Jupiter chez les Romains, ou Donar chez les Germains, ou tout autre dieu de la foudre n'osent le toucher. Cela a été prouvé statistiquement de nos jours! Cette force ne peut que se retrouver dans son bois dur et apte à la fabrication de tonneaux, de traverses de chemin de fer, de lames de parquet, ou encore la réalisation d'écluses, de membrures de bateaux, etc. Le Chêne pédonculé s'invite jusque dans nos maisons en placage ou en un excellent combustible.

A l'origine de nombreuses croyances païennes, beaucoup de chênes sacrés furent abattus au cours de l'avancée du christianisme. Reculant devant les déboisements du Moyen-âge, les remembrements et l'urbanisation de la fin du XXème siècle, les quelques spécimens remarquables sont devenus pour les civilisations modernes que nous sommes les nouvelles reliques d'un peuple dépossédé de ses liens avec la nature. Le roi est mort, vive le roi …des forêts !