Le Buis commun : dur, dur la vie éternelle !

Buxus sempervirens L.

 

 

 

Cette légende va vous introduire le Buis toujours vert

« Quand le Christ mourut sur la croix, les feuilles du Buis s'assombrirent et se serrèrent les unes contre les autres. La plante qui se pavanait au sommet du Caucase décida qu'en signe d'angoisse, elle habiterait désormais les collines incultes et pierreuses. Ses branches dans les nécropoles ourleront les allées funéraires et ses rameaux toujours verts évoqueront la triomphale entrée de l'homme Dieu dans les rues ensoleillées de Jérusalem. »

Les petites feuilles du Buis d'Artois sont persistantes, d'un beau vert tendre à l'état jeune puis vert foncé, brillantes et coriaces avec le temps. Les feuilles à courts pétioles, opposées et nombreuses, serrées sur des rameaux très ramifiés, l'arbuste pousse très lentement mais pouvant vivre jusqu'à 700 ans.

Il pousse spontanément sur les versants buissonneux des moyennes montagnes ensoleillés de l'Espagne à l'Angleterre. A l'état sauvage, on le trouve surtout sur les terrains calcaires et caillouteux et sa feuille sera plus claire, voire presque jaune. Par contre, dans les endroits humides ou ombragés, sa feuille verte sera plus grande et plus sombre.

Pour les Gaulois, le feuillage toujours vert du Buis représentait l'éternité. Cette croyance païenne a été reprise dans la liturgie catholique qui utilise le jour des Rameaux, du Buis béni pour préfigurer la Résurrection du Christ et signifier l'immortalité de l'âme et la résurrection des morts. Certains paysans bretons, plus cupides que croyants, plaçaient quant à eux un rameau de Buis à l'entrée de chaque champ pour que la récolte soit abondante et de bonne qualité , tandis que la maitresse de maison, plaçait un rameau derrière le crucifix pour protéger son foyer de la peste.

La plante se reproduit facilement par bouturage ou marcottage. C'est devenu une plante ornementale très utilisée dans l'art du topiaire, à partir de la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C. Les jardiniers d'ornement, inspirés par le talent des sculpteurs de pierre, ont commencé à travailler les Buis en forme d'animaux sauvages et de figures mythologiques. C'était l'ars topiaria ou " art du paysage ", on dessinait aussi dans les jardins des lettres représentant le nom du propriétaire ou de l'architecte. En France, les lieux plantés de Buis en bordures de « jardins de curés » avec cette odeur légèrement âcre et acide qui se dégage du feuillage, ont laissé de nombreuses traces dans la toponymie de lieu-dits : Boissière, Bussières, Buxières, Bouxières. Le nom Buxus vient du grec pycknos qui signifie dense, en raison de la dureté du bois qui est le plus dense après l'ébène. D'abord utilisé par les Anciens comme tablettes enduites de cire pour écrire avant l'invention du papier, il a par la suite servi à fabriquer le maillet des loges maçonniques, car il symbolisait la fermeté et la persévérance. On est bien loin de l'insulte "tête de Buis" qui se dit de quelqu'un qui a la " tête dure ". Dans le même registre de la « tête », les médecins de la Renaissance l'ont vanté comme remède à la calvitie. Un auteur de l'époque a ironiquement cité le cas d'une jeune paysanne dont le crâne était devenu chauve comme un œuf ; la lotion de Guézette lui fit recouvrer une magnifique chevelure, mais le visage et le cou devinrent poilus comme ceux d'une guenon ! Peut-être que cette demoiselle aurait du se contenter de fabriquer à partir du bois de Buis, fin et jaunâtre, des flûtes, pièces d'échecs, oeufs à repriser, boutons de chemise et peigne à cheveux ! En usage plus inattendu, on a aussi les canines ou les prémolaires que les étudiants en dentisterie fabriquaient à la faculté... Bien évidemment, cela n'a aucun rapport avec le symbole du stoïcisme du Buis dans le langage des fleurs, quoique il en faut une bonne dose quand on devait vous soigner les dents !

De nos jours, le Buis commun fait officiellement partie des plantes médicinales utilisées traditionnellement dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs aux bénéfices thérapeutiques attendus. Si ses propriétés dépuratives, laxatives et sudorifiques et fébrifuges, notamment dans la prise en charge des poussées de fièvres liées paludisme, sont avérées, l'usage à forte dose, reste dangereux pour l'homme du fait de la présence de buxine, un alcaloïde toxique. Malheureusement, les chameaux de la Caspienne, qui n'ont pas connaissance de la liste B de l'Agence Nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, meurent de leur gloutonnerie à l'égard de ce fourrage. Guère plus éclairés, certains brasseurs d'autrefois n'hésitaient pas à utiliser les feuilles de Buis à la place du houblon dans la fabrication de la bière même si c'était considéré comme un délit, car rappelons-le, à forte dose, le Buis (mais aussi la bière...) est toxique.

Réciproquement, l'homme est tout aussi cruel avec le Buis, notamment par l'introduction accidentelle de plants importés d'Asie infestés de Pyrale du Buis, qui conduit, à partir de 2005, à une invasion de ce papillon dans toute la France métropolitaine, constituant d'importants dégâts sur les Buis sauvages et ceux cultivés des superbes jardins à la française. Le Frelon Asiatique (Vespa velutina Lepeletier, 1836) tout aussi envasif, sera-t-il notre sauveur étant donné qu'il semble être le seul prédateur de la chenille dévastatrice.... ? Mais, là ce sont les abeilles, qui pendant qu'elles butineront paisiblement les fleurs de Buis se feront piller leur ruche par ce même prédateur. Dur, dur le monde de la nature !