L’Oenanthe safranée est une herbacée que l’on peut facilement observer au printemps dans les fossés ensoleillés ou dans les prairies humides de bords de cours d’eau. C’est une géophyte, ce qui signifie qu’elle résiste à la mauvaise saison en vivant au ralenti grâce à ses tubercules épais et allongés en fuseau : la partie aérienne gèle l’hiver et sèche l’été. Ces derniers contiennent un suc jaune safran, crocata en latin, qui lui a donné son nom d’espèce.
Abondante localement, cette indigène, c’est-à-dire non introduite par l’homme, ne doit pas être considérée comme sa cousine envahissante la Berce du Caucase ; il ne faut pas chercher à l’éradiquer avec on ne sait quel herbicide tout aussi toxique qu’elle. Son aire de répartition est restreinte, car on ne la retrouve que sous des climats tempérés de la façade atlantique européenne, notamment dans le grand Ouest de la France, et de l’Espagne jusqu’à la Grande-Bretagne.
Ainsi, cette vivace produit chaque année de robustes tiges creuses, très rameuses, vertes, sans tâche, mesurant jusqu’à 1,2 m de haut. Ses tiges sont fortement sillonnées, ce qui la différencie notamment de la Grande Ciguë, sa célèbre cousine qui a tué Socrate ! Les tiges sont glabres, c’est-à-dire sans poil, ce qui la distingue de la Carotte sauvage, poilue, et qui est comestible. Les feuilles sont grandes, d’un vert luisant, 2 ou 3 fois divisées comme les feuilles du Persil tubéreux de nos jardins. Les risques de confusion dans la détermination des Ombellifères sont réels et fréquents, et les erreurs sont parfois fatales pour le néophyte. Récemment, en août 2020, elle a fait la une de la presse locale avec 8 des 12 participants d'un stage de survie dans le Morbihan qui ont été intoxiqués suite à son ingestion. Malheureusement, un jeune homme de 26 ans est décédé après 3 jours de coma.
Tout aussi problématique est sa présence dans les fossés, car lors des curages d’entretien, les tubercules concentrant les toxines sont remis à l’air libre sur les bas côtés et sont accessibles à l’appétence du bétail, provoquant parfois des intoxications mortelles dans les élevages bovins de Bretagne. Comme toutes les Ombellifères, elle se caractérise par des inflorescences en ombelles de fleurs blanches, bombées, de 15 à 30 rayons raides. Les fleurs attirent bon nombre d’insectes pollinisateurs, qui donneront des fruits secs (akènes) qui seront emportés par les eaux pour coloniser de nouveaux territoires. Contrairement aux tubercules, les sommités de la plante sont souvent broutées sans qu’il paraisse en résulter d’inconvénients pour le bétail.
Toutefois, contrairement, aux espèces potagères (Carotte, Céleri, Persil, Panais, Angélique) de la même famille des d’Apiacées, cette jolie fleur, le Pimpin, reste extrêmement toxique pour l’homme, même si son odeur et son goût sont agréables. C’est probablement l’origine de son étymologie grecque : oinos, vin, anthos, fleur : c’est une fleur enivrante comme le vin.
Un autre nom moins usité est le Pansacre en référence au mot latin « pankration » discipline olympique introduite lors de la 33ème Olympiade en -648 avant J.-C. C’est un sport de combat grec, où tous les coups étaient permis jusqu’à l’épuisement total, sauf d'introduire le doigt dans l'œil ou dans la bouche de l'adversaire, et de lui tirer l'oreille ou les parties génitales. Seul le coucher du soleil ou l’abandon de l’un des deux lutteurs mettait fin à l’assaut. Serait-ce une analogie à faire à la mort par ingestion d’Oenanthe safranée qui peut survenir par arrêt cardiaque au bout de 3 heures ?
La toxicité était connue dès l’antiquité. Elle se traduit notamment par des symptômes : la contraction des muscles du visage, comme le rire sardonique qui se retrouve sur des masques de la civilisation de la Sardaigne. Des auteurs de l'Antiquité, notamment Salluste (-86 à -35 avant J.-C) rapportent que les anciens Sardes tuaient rituellement leurs vieillards « ayant assez vécu » en les intoxiquant avec de l'« herbe sardonique » avant de les battre à mort ou de les pousser du haut d'une falaise.
Des études phytochimiques récentes ont montré que le principe actif de la toxine est l'énanthotoxine, un alcool polyinsaturé et antagoniste de l'acide gamma-aminobutyrique, un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central qui entraîne une hyperactivité des neurones. Pour faire plus simple, à doses homéopathiques, l’Oenanthe safranée est utilisée à titre curatif dans les cas d’hyperactivité, à fortes doses, cela se traduit par la mort … les néerlandais l’appelle « Dodemansvingers » (doigts de mort), allez savoir pourquoi !