Avec plus de 150 variétés cultivées, dont certaines en topiaires, le Romarin présente diverses formes. Toutefois, à l'état sauvage, il reste un arbrisseau très ramifié et persistant, croissant en compagnie des lavandes, thyms et pins d'Alep. On dit que cette Rosée marine n'est autre qu'une princesse, qui, restée tellement longtemps prostrée sous le soleil de la garrigue à pleurer son galant noyé dans la mer méditerranée, s'est finalement transformée en un arbuste dont les feuilles linéaires sont autant de larmes au goût amer... Et, nombreuses sont ces feuilles, coriaces et vert sombre sur le dessus, où une couche cireuse permet de limiter les ardeurs du soleil du Sud, tandis qu'un fin feutrage de poils sur le limbe inférieur associé à l'enroulement des bords limitent l'influence du vent, permettant ainsi de mieux résister à la sécheresse du climat méditerranéen.
Déjà, dans la Grèce antique, les intellectuels ceignaient leur tête de cette Herbe aux couronnes comme symbole du souvenir et de la mémoire : savaient-ils que l'acide ursolique contenu dans le Romarin permet de ralentir la baisse d’acétylcholine, un neurotransmetteur nécessaire au maintien de l'activité cérébrale ?
Par la suite, les Romains l'on considéré comme une herbe sacrée portant bonheur aux vivants et assurant aux morts un séjour paisible dans l'au-delà. Ils tressaient des couronnes d'Herbe aux Troubadours dont ils coiffaient les mariés, pour symboliser l'amour et la fidélité. Serait-ce dû à la présence de safranine qui a une action sur les glandes cortico-surrénales en favorisant une sécrétion plus importante d'hormones sexuelles ?
Quelles qu'en soient leurs connaissances, il est fort probable, que les Anciens utilisaient cette aromate au quotidien, principalement en condiment frais ou séché, après avoir constaté empiriquement ses propriétés astringentes et antibactériennes. De nos jours, on en saupoudre encore sur les viandes grillées, on ajoute un rameau de Romarin dans les sauces et ragoûts pour relever le goût. Si sa saveur vous semble trop forte, les fleurs crues, ou le miel de Narbonne, serviront à parfumer subtilement un dessert. En plus d'apporter une note méridionale à votre repas, les huiles essentielles qu'il contient (eucalyptol , 1,8 cinéole, alpha-pinène, camphre de romarin, etc.) stimuleront les fonctions digestives, notamment la vésicule biliaire de vos convives... et limiteront les flatulences !
Selon la légende, les fleurs de romarin étaient blanches. La Vierge Marie, avant de donner naissance à l'enfant Jésus, aurait déposé sa cape bleu azur sur un buisson de Rose de Marie ( Rosemary en anglais) situé devant l’étable. A la rosée du matin, la cape aurait déteint sur l'arbrisseau et, depuis, les fleurs sont essentiellement bleu pâle et s'épanouissent le jour de la Passion. Plante bénite, la culture de l'Encensier sera alors recommandée dans les domaines royaux de la chrétienté pour purifier les âmes et les corps, notamment lors des épidémies de peste. Rien de bien nouveau puisque des rameaux du Romarin étaient déjà disposés dans les tombes des pharaons pour l'élévation de leur âme avec les effluves camphrées du romarin et probablement pour aseptiser les sarcophages...
Mais, il existe, sans conteste, un miracle de ses bénéfices thérapeutiques qui date de 1378. Donna Izabella, Reine de Hongrie, âgée de 72 ans, à la peau défraîchie, goutteuse et infirme, avait utilisé durant une année entière de l'eau de Hongrie, dont le Romarin officinal était le principal composant. Rajeunie comme à ses 20 ans, le jeune et beau Roi de Pologne voulut l'épouser ; mais, elle refusa pour se consacrer à Dieu car elle croyait que cette recette lui avait été donnée par un ange. Certes, s'il est avéré depuis que l'utilisation d'huile de romarin a une action sur la circulation dermique et est un analgésique pour les rhumatismes, de là à en faire une eau de Jouvence extraordinaire, on peut mettre en doute la bonne foi du roi de Pologne, probablement plus attiré par la dot de la prétendante que par sa beauté retrouvée ! Et pour cause, même Charles Perrault, qui tente dans ses contes de faire réveiller la Belle au Bois Dormant avec les vapeurs de l'Eau de Hongrie, n'y arrive pas...
Traversant la révolution française avec le 6e jour du mois de Messidor qui lui est consacré, la notoriété du Romarin demeure jusqu'à nos jours, lors des grillades estivales, mais aussi dans les éprouvettes des centres de recherche médicale puisqu'il est supposé prévenir la progression de certains types de cancers. Bienvenus dans le XXIe siècle et de ses miracles !