Bonne année et bonne santé... sous le Gui ?

Viscum album L.

 

 

 

Généralement, tout commence au printemps quand une abeille transporte le pollen d'une discrète petite fleur mâle et féconde des glomérules de petites fleurs femelles d'une autre touffe de Gui : c'est une espèce dioïque. Les fruits du Vert de Pommier sont de fausses baies globuleuses avec une pulpe de couleur blanche à jaunâtre constituée d'un mucilage : la viscine, substance collante qui contribue à la fixation des graines sur les écorces rugueuses des arbres.

Ensuite, un oiseau gourmand (Merle, Grive, Mésange bleue, Sitelle torchepot) prend le relai, il défèque les graines non digérées sur les branches d'une plante hôte : Tilleul, Pommier, Poirier, Peuplier, Pin noir, et plus de 120 autres arbres possibles.

Enfin, la graine germe avec un suçoir qui pénètre dans l'écorce et le bois de l'hôte et les rameaux du Gui du Pommier se développent par deux avec une croissance en zigzag, ce qui, à terme donne une forme de grosse boule d'un mètre de diamètre.

Ce n'est pas une découverte, le Bouchon est une plante parasite, mais pas totalement. C'est en fait une hémiparasite car si son suçoir conique et ramifié prélève chez son hôte la sève brute, constituée d'eau et de sels minéraux, ses feuilles fabriquent sa propre matière organique. Ainsi, en trop grand nombre, il soustrait une grande partie des besoins en eau et sels minéraux de son hôte et réduit son développement et sa production s'il s'agit d'un arbre fruitier. Ainsi, le Gui , parfois très présent dans les régions tempérées comme la France, peut être considéré comme « nuisible » et sa destruction est réglementée. Toutefois, la destruction systématique, notamment par l'arrachage des vieux vergers, constitue une atteinte de plus pour la biodiversité car le Gui est lui-même un hôte strict d'une espèce rare, le Bupreste du Gui (Agrilus viscivorus (Bily). Donc, pour le respect des équilibres naturels, ayez une gestion raisonnée et éclairée !

Ce que les gens connaissent aussi, en tout cas ceux qui lisent comme moi les bandes dessinées d'Astérix le Gaulois, c'est que les druides cueillaient avec une serpe d'or le Blondeau sur des chênes de la forêt des Carnutes, le sixième jour du solstice d'été, pour réaliser des potions magiques ou tout au moins pour l'utiliser comme talisman d'immortalité au cours de leurs cérémonies religieuses de taurobole. Cette symbolique est probablement liée au fait qu'à l'extrémité de ces rameaux, il y a des feuilles opposées, charnues, vert-jaunâtre en forme de spatule et qui persistent jusqu'à deux ans, faisant du Verguet une plante toujours verte, même l'hiver quand les arbres qui le portent semblent morts. Et si les chênes ne sont que très rarement parasités par le Gui, cela ne pouvait que renforcer l'aspect sacré de sa récolte. Ainsi, pour les Germains, il rendait les guerriers invincibles; mis au dessus du seuil de la chambre des Autrichiens, il délivrait le dormeur des cauchemars; glissé sous l'oreiller la nuit de la Saint-Jean, il permettait aux jeunes filles galloises de voir leur futur époux... en rêve!

Ne rigolez pas de ces rituels archaïques, car n'avez vous jamais souhaité de bons vœux de nouvelle année à minuit sous une boule de Bois de Sainte Croix? Et bien, ce symbole de fertilité et de longévité trouve son origine dans le rituel du mariage lors des fêtes grecques des Saturnales. Puis, au Moyen Âge, on disait en l'offrant « Bon an, mal an, Dieu soit céans », au XIXe siècle, on disait « Bonne et sainte année, le paradis à la fin de vos jours », pour finalement se dire aujourd'hui « Bonne et heureuse année ». Et si vous voulez prolonger l'esprit de fête, sachez que les touffes de Gui avec leurs fruits se conservent très bien en ornement pendant des mois si on trempe les extrémités des tiges coupées dans de l'eau.

Longue vie, c'est vite dit, car les fruits, feuilles et écorce sont toxiques par la présence de nombreux alcaloïdes, pour la plupart cytotoxiques et coagulant le sang. Ainsi, si autrefois avec la théorie des signatures, une décoction de branchettes devait diminuer la sensibilité au froid et éviter les engelures (eh oui, le Gui résiste au froid l'hiver!), ce n'est plus d'actualité avec une pratique de la médecine plus cartésienne! Son usage est même fortement déconseillé, car son principe actif, la viscotoxine, conduit à des troubles digestifs (moins de 3 baies) jusqu'à des troubles du rythme cardiaque (plus de 10 baies), voire mortels à de fortes doses.

Mortel, il l'est aussi pour les oiseaux, non pas parce qu'ils sont sensibles à leurs toxines, (on l'a vu plus haut que les oiseaux étaient un des principaux vecteurs de leur dissémination) mais parce les fruits étaient utilisés par les braconniers. Une fois macérés, fermentés et cuits, les fruits du Glu donnent une colle fine et très adhésive qui servait à fixer les insectes sur les pièges à oiseaux, d'où l'origine du nom scientifique viscum signifiant « colle, glu ».

C'est probablement pour cela que lors des bisous de fin d'année, certains sont de vrais pots de colle ?!